De mieux en mieux, l'Histoire accélère ses révélations:
Ce sont Nasser et De Gaulle qui ont imposé Ben Bella à la tête de l'Algérie Indépendante:
Ben Bella a osé. C’est que l’ancien réfugié du Caire doit être enfin sûr que l’ancien moudjahid Abane est tout à fait mort.
Dans sa dernière visite à ses maîtres orientaux, Ben Bella s’en est pris à Abane Ramdane. L’homme est mort depuis quarante-cinq ans et Ben Bella a enfin trouvé le courage de l’affronter.
C’est devenu un trait de culture dans ce pays, où la lâcheté est en passe d’être promue au rang de valeur, de s’en prendre aux disparus.
Je n’ai pas connaissance d’une réponse de notre levantin révolutionnaire quand Abane lui écrivait, le 4 novembre 1956 : “Ben Bella n’est pas le représentant de l’ALN au Caire (…). Vous êtes des patriotes émigrés en Orient. Le FLN et l’ALN vous ont chargés d’un travail à l’extérieur. C’est tout.” (1) Il n’y a pas longtemps, on se croyait heureusement débarrassés de son imposture quand il a redécouvert sa vraie nationalité marocaine. Il semble que le royaume ne veut pas de lui, puisque le premier président de l’immense République algérienne s’en allé, il y a quelques jours, voter — comble d’indignité pour un ancien chef d’État — pour le candidat d’une autre nation, Saddam Hussein. La Soummam semble être restée en travers de la gorge de tous ceux qui ont, par la suite, trahi le projet révolutionnaire. Et Ben Bella n’a pas attendu la suite, comme en témoigne cet autre courrier de Abane, daté du 20 septembre 1955 : “Nous avons appris que Ben Bella a rencontré en Italie Pierre et Paul. Il est heureux qu’il ne se soit pas engagé, car nous l’aurions désapprouvé” (2). On reconnaît le ton du patron qui, pourtant, ne venait de rejoindre le FLN que depuis quelques mois, libéré de prison pour avoir pris le maquis… avant 1954.
Là, non plus, nous n’avons pas connaissance d’une réponse de Ben Bella.
En se mettant au service de Nasser, à qui il a offert la Révolution qu’il n’a pas faite, Ben Bella bénéficiait de la propagande de son chef direct, Fethi Al-Dib, chef des services secrets égyptiens qui, plus tard, confirmait que notre président était “l’homme de Nasser” (3). Et c’est d’ailleurs cette allégeance et la prise en charge du zaïm par l’Égypte qui ont fait croire aux services spéciaux français que “tout se fait au Caire et que le chef est l’ancien membre de l’OS, Ahmed Ben Bella” (4). On comprendra pourquoi, nonobstant son marché de dupe avec l’état-major de Boumediène, ce sera Nasser et De Gaulle qui, en partie, imposeront Ben Bella à l’Algérie indépendante.
Il semble que l’ex-président, dont la tentation islamiste des années 1990 a lamentablement échoué, continue sa carrière anti-démocratique. L’agression posthume contre Abane renseigne sur son amertume de n’avoir pas pu totalement livrer l’Algérie à la chimère islamo-arabiste. La plate-forme de La Soummam n’ayant pas été entièrement assassinée avec Abane.
Les traversées du désert pétrolier de nos “ex” ne sont décidément pas avantageuses au pays. Et les pétro-dollars de nos “frères” altèrent invariablement leurs consciences de désabusés pour les convertir en levantins zélés et les retourner ensuite contre leur nation qui s’entête à revendiquer son destin propre.
(1) Mabrouk Belhocine, Courrier Alger-Le Caire, Casbah Editions, Alger,2000
|