N° 2147
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée
nationale le 9 février 2000.
PROPOSITION DE LOI
tendant à instituer une journée nationale du souvenir des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales
et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par MM. Bernard CHARLES, Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. Jean-Pierre DEFONTAINE, Roger FRANZONI, Robert HONDE, Jean-Paul NUNZI, Jean PONTIER, Jacques REBILLARD, Jean RIGAL et Émile VERNAUDON,
Députés.
Cérémonies publiques et fêtes légales.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Certaines périodes s'avèrent déterminantes quant au
destin et au devenir d'une Nation.
Il en est ainsi des pages de notre
histoire de France souvent exaltantes mais toujours douloureuses, écrites du
sang et des larmes par ces femmes et ces hommes qui ont porté dignement les
couleurs de notre pays, consentant que leur destin individuel s'efface devant le
destin collectif de la France.
La fin de tous ces conflits a toujours été
une victoire de la sagesse des hommes prenant conscience que la guerre est une
grave erreur de l'humanité, un mal qui déshonore le genre humain.
Trop
d'êtres ont souffert, sont morts pour autoriser quiconque à arracher ces pages
d'un livre qui n'est pas à refermer.
Chaque citoyen a pour devoir de
respecter leur sacrifice, veiller à ce qu'il ne reste pas vain et serve la cause
de la Paix.
Le combattant est certes le plus concerné par le souvenir à ses
frères d'armes tués, blessés ou disparus et le devoir de mémoire ; sa voix étant
la plus qualifiée pour s'élever en faveur d'une vie sans haine ni violence.
Mais l'ensemble de nos concitoyens se reconnaissent dans des cérémonies
patriotiques officielles dignes d'un hommage solennel, conscients qu'un peuple
oubliant son passé n'a pas d'avenir.
Pour les guerres mondiales 1914-1918 et
1939-1945, les dates symboliques retenues sont naturellement celles du
cessez-le-feu : jour essentiel pour le combattant qui risque sa vie à tout
instant.
Dates de cessation des hostilités, elles sont porteuses
d'espérances communes, mais chacune d'un message particulier réfutant toute idée
d'une journée unique du souvenir qui introduirait l'élément destructeur de
l'unité nationale et trahirait la mémoire particulière de la mémoire collective
de notre peuple.
Pour la guerre d'Algérie se pose avec acuité la
reconnaissance officielle d'une Journée nationale du souvenir et du
recueillement dédiée à la mémoire des morts civils et militaires en Algérie, au
Maroc et en Tunisie.
Le cessez-le-feu du 19 mars 1962 marque bien l'arrêt
officiel de cette guerre. Il cristallise la mémoire de l'événement. Il est un
enjeu de la mémoire française qui, désormais, n'identifie plus que deux dates :
la Toussaint sanglante du 1er novembre 1954 et le cessez-le-feu du 19 mars 1962,
premier jour où la France ne fut en guerre avec aucun peuple, l'une des dates
les plus importantes de notre histoire contemporaine.
Après un débat de
haute tenue, où consensus et devoir de mémoire ont prévalu, le Parlement unanime
(l'Assemblée nationale le 10 juin 1999, le Sénat le 5 octobre 1999) a voté la
loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 reconnaissant la guerre d'Algérie.
Nous
avons su mettre en conformité le langage officiel avec le langage courant,
conscients qu'une société ne peut vivre sans référence à des valeurs.
La
Nation, qui rend ainsi sa dignité au citoyen combattant, doit également affirmer
sa volonté d'honorer dignement la mémoire des victimes civiles et militaires en
leur dédiant une Journée nationale du souvenir et du recueillement.
Si,
après la fin des hostilités, à l'instar de tous les conflits, il nous faut
hélas, déplorer des morts que nous ne saurions oublier, les conditions sont
désormais réalisées pour officialiser le jour anniversaire du cessez-le-feu
proclamé en Algérie le 19 mars 1962 et légitimé par la volonté populaire dès le
8 avril 1962 : 90,71 % des Françaises et des Français approuvaient la fin
de la guerre d'Algérie lors du référendum organisé à l'initiative du président
de la République, le général De Gaulle.
Avec la promulgation de la loi
reconnaissant la guerre d'Algérie, lui conférant une légitimité incontestable,
le 19 mars, qui rencontre une adhésion massive tous courants politiques
confondus, s'affirme bien être la seule date commémorative en hommage aux morts
civils et militaires de cette guerre, aucune autre date ne pouvant s'y
substituer.
Plus de la moitié des conseils municipaux, 39 conseils généraux
de toutes sensibilités, ont déjà adopté un v_u dans ce sens. Le nombre de
communes inaugurant des artères du « 19 mars 1962 - fin de la guerre d'Algérie »
est en constante progression.
L'enquête d'opinion réalisée par l'I.F.O.P.,
les 12 et 13 novembre 1999, conforte cette volonté nationale, tout
particulièrement chez les jeunes de 15 à 24 ans cherchant à concilier l'étude de
leur programme d'histoire et la commémoration de la date anniversaire de la fin
de la guerre d'Algérie.
La commémoration, instant privilégié de la
réflexion, renforce les liens entre générations. Elle présente une dimension
pédagogique fondamentale. Elle est propice à tirer des enseignements,
l'incompréhension du présent naissant de l'incompréhension du passé.
Au-delà
des anciens combattants d'Algérie, la date du 19 mars 1962 appartient à notre
peuple, à son histoire, à tous ceux qui sont épris de paix.
Nous avons
l'exigence du devoir de mémoire. Nous avons pour mission de faire vivre les
valeurs de civisme et de citoyenneté, élément fondateur de toute démocratie.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, Mesdames,
Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi relative à la
reconnaissance du 19 mars 1962 comme Journée nationale du souvenir et du
recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre
d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
La République française institue une Journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie de 1952-1962.
Article 2
Cette journée, ni fériée, ni chômée, est fixée au 19 mars, jour anniversaire du cessez-le-feu proclamé le 19 mars 1962 en Algérie, mettant fin à dix années de guerre et de combats en Afrique du Nord.
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